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Les Bingham – Déçus par le parti républicain mais fans du Texas

Christie et Gene Bingham.

Forcément républicains les commerçants texans ? Rien n’est moins sûr ! Votant habituellement pour le parti de l’éléphant, Gene et Christie Bingham, patrons du restaurant The Beacon Cafe, situé au sein d’un aérodrome de Fort Worth, s’apprêtent à s’abstenir. Pour eux, non seulement Mitt Romney est un mauvais candidat, qui « hésite sans cesse », « ne dit pas clairement ce qu’il veut faire » et « s’en est pris aux petites gens ». Mais Obama a aussi « sauvé l’économie », « reconnu qu’il ne pourrait pas faire tout ce qu’il avait promis lors de la précédente campagne et maintenu les troupes nécessaires à l’étranger ».



Quant à la réforme de la santé, « en tant qu’employeurs, elle va nous coûter de l’argent, reconnaît Christie. Mais c’est une bonne chose, car à l’heure actuelle, nous ne sommes pas assurés et nos enfants [Randi, 16 ans, et Samantha, 12 ans] vont moins souvent chez le médecin que d’autres ». « Nous devrions faire confiance à Romney en tant qu’homme d’affaires. Mais Obama est plus en phase avec les gens normaux. Et personnellement, nous sommes en meilleure posture qu’il y a quatre ans », complète Gene, qui ne se sent pas représenté par les candidats en lice.



L’ÉPINEUSE QUESTION DE L’AVORTEMENT



Le problème avec les Démocrates, c’est qu’ils ne s’opposent pas à l’avortement. Et ça, pour les Bingham, c’est choquant, car « on n’a pas le droit de tuer une personne pour exercer sa liberté de disposer de son corps », estime Christie, qui élevait son aînée seule quand elle a rencontré Gene. Lui avait fait le choix de l’IVG avec une précédente compagne. Et à 51 ans, il repense toujours à cette décision.



Le couple s’est marié quand Christie est tombée enceinte de sa deuxième fille. « Les adolescentes qui n’ont pas songé à la contraception ou n’ont pas su l’utiliser, ainsi que les femmes violées devraient avoir des options, nuance la jeune femme. Mais l’IVG constitue souvent une solution de facilité et ne devrait pas être facilement accessible, surtout aux femmes dont la grossesse est avancée, car il y a de grands prématurés qui deviennent des bébés en pleine forme ».





































DE LA FUGUE A L’ECRITURE



« Il se pourrait que je raisonne différemment s’il s’agissait de ma fille », reconnaît toutefois Christie, qui a fugué de chez ses parents, ouvriers agricoles, quand elle avait treize ans et survécu en travaillant sur des marchés et des foires. Après avoir obtenu une équivalence de diplôme de fin d’études secondaires, elle prépare actuellement un master d’écriture littéraire en parallèle de son activité de restauratrice six jours sur sept, du mardi au dimanche, et de l’aube (voire avant le week-end) jusqu’en début d’après-midi.



Les Bingham se situent à des années-lumière du cliché du commerçant poujadiste, réactionnaire et opposé à la mondialisation. « Gene comme moi, nous avons des parents très racistes. On nous a élevé comme ça et nous reproduisions ce schéma de pensée jusqu’à ce nous nous rendions compte que ce n’était pas bien, témoigne Christie. Nous essayons d’élever nos filles sans a priori, car nous pensons qu’elles auront suffisamment de difficultés à affronter le monde pour ne pas leur inculquer des idées préconçues dont elles devront se défaire ».



LA CRISE DU BIPARTISME



« Quand elles rentrent de l’école en me disant « Je déteste Obama », je leur demande pourquoi, poursuit la mère de famille. Et comme elles n’ont pas forcément d’argument à me fournir, je leur dis ce qui me déplait chez le Président sortant, mais sans les endoctriner. D’ailleurs, comme elle a des amies se croyant homosexuelles, Samantha se prononcerait pour lui si elle devait voter le six novembre ! »



L’extrême polarisation de la vie politique américaine depuis l’élection d’Obama et le lancement du mouvement Tea Party ne convient donc pas aux Bingham. « Dans le débat sur la réforme de l’assurance maladie par exemple, le parti républicain a accusé le Président de vouloir adopter le modèle canadien alors que la réforme ne visait à reprendre que certains aspects du système de notre voisin. C’est ridicule », assène Gene, qui juge le système bipartisan états-unien « dépassé. Si Démocrates et Républicains ne peuvent trouver un terrain d’entente, il s’agit d’un problème inhérent à la vie politique du pays et cela ne sert à rien que j’aille voter ».











































UNE APPROCHE PRAGMATIQUE



« Je ne suis pas allé à l’université. Mon avis ne vaut que ce qu’il vaut. Mais quand nous avons repris notre première affaire avec Christie, il y a sept ans, nous avons tâché d’apprendre de nos erreurs, raconte Gene. Par exemple, nous avions les mêmes objectifs, mais pas forcément les mêmes solutions pour les atteindre. Alors nous avons testé sa manière de régler les problèmes, la mienne et nous avons gardé le meilleur. Je me doute qu’avec des centaines de parlementaires à Washington, c’est plus compliqué. Mais je suis dégoûté de la politique actuellement ».



Du coup les Bingham se concentrent sur leur nouvelle affaire, reprise il y a moins d’un an et qui leur donne déjà beaucoup de satisfaction. « Par rapport au premier restaurant que nous avons géré (qui était également situé dans un aérodrome, mais était déficitaire au moment où nous l’avons repris), le Beacon a atteint le seuil de rentabilité beaucoup plus rapidement et pensons passer le cap des 300 000 dollars de chiffre d’affaires avec une moyenne de 200 clients par jour et une demi-douzaine d’employés d’ici la fin du premier exercice, au moment de Thanksgiving, expose Gene. Ce jour-là, nous servirons des repas gratuits. Mais entre Noël et le Jour de l’An nous serons fermés, car nous nous offrons nos premières vraies vacances en famille à Disneyworld, en Floride ».





































TEXAS FOREVER



« Depuis que nous sommes devenus nos propres patrons, il y a sept ans, le Texas, où ma femme a de la famille, semble nous avoir toujours voulu du bien, commente Gene. Le premier cédant avec qui nous avons fait affaire nous a entièrement financé le rachat du fonds de commerce et aucune des personnes avec qui nous avons traité n’a été vérifier notre historique de crédit.



Un tête-à-tête, une poignée de mains, c’est toujours ce qui prime ici. Et pour peu qu’on se donne la peine d’apprendre leurs prénoms, les clients réguliers en amènent de nouveaux. Certains veulent que nous ouvrions de nouvelles antennes. D’autres nous conseillent en matière de communication. Et comme nous arrivons à fidéliser le personnel, nous avons envie de nous poser ici, ancrer des racines ».



Après avoir souvent bougé (« parce que Gene voulait faire les choses à sa façon et ne gardait jamais bien longtemps un emploi salarié », précise Christie), le couple cherche donc à acheter les murs hébergeant leur affaire et espèrent que leurs filles la reprendront. « Randi sait déjà y faire avec les clients, mais aussi avec les employés, précise Gene, l’air attendri. Elle est parfois notre meilleure représentante ! »

Les photos 

TEXTE Cécile

PHOTOS & VIDEOS Mélinda

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